La Gironde aura un autre abattoir

Abattoir de Bègles

Un abattoir va ouvrir à Bègles – SO du 18/04/2016

Circuits courts, qualité des viandes et regard sur les conditions d’abattage sont les viatiques des éleveurs girondins qui géreront l’abattoir

L’univers de la viande avait quitté le quai de Paludate à Bordeaux en décembre 2011 pour laisser place à l’opération d’urbanisme et d’affaires Euratlantique, les grues s’imposant aujourd’hui dans le paysage. Les éleveurs et bouchers girondins n’avaient pas apprécié cette disparition et n’ont eu de cesse de trouver une solution de remplacement proche de leurs terroirs de productions.

Ainsi, un projet a été développé par le Groupement des éleveurs de la Gironde qui rassemble aujourd’hui 150 membres. Après les accords de Bordeaux Métropole, des services de l’État et de la Région, les travaux de l’abattoir vont démarrer en mai-juin sur un terrain vendu par Réseau Ferré de France, sur la zone d’Hourcade à Bègles, au niveau de l’échangeur 20 face à Rives d’Arcins, pour une ouverture prévue fin 2017 début 2018.

 

Bovins et ovins uniquement

Il s’agit d’un abattoir pour bovins et ovins, qui sera un outil spécifique du groupement, financé à 70 % par les coopérateurs, le reste étant des contributions publiques. « Notre abattoir aura une petite capacité, de 650 tonnes par an, décrit le directeur du groupement Philippe Nompeix. C’est un choix que nous faisons, bien que la capacité puisse être facilement doublée. » Ce chiffre est à mettre en comparaison avec l’abattoir girondin de Bazas, en Sud-Gironde, qui traite 1 500 tonnes par an, et celui de Bergerac en Dordogne d’une capacité de 7 000 tonnes.

« Les quatre cinquièmes des abattages porteront sur des animaux des éleveurs girondins membres du groupement ; nous réserverons toutefois une place à d’autres éleveurs dans le département et aux marges voisines. »

Depuis la fermeture de l’abattoir de Bordeaux, fin 2011, les éleveurs du Groupement girondin avaient recours à l’abattoir de Bergerac, celui de Bazas étant en travaux à ce moment-là (Bazas a rouvert progressivement entre août et octobre 2012). « Nous souhaitions disposer de conditions d’abattage optimales, poursuit Philippe Nompeix. Avec cet abattoir à Bègles, le transport des animaux n’excédera pas deux heures. Les bêtes auront le temps de se reposer la veille de l’abattage qui ne se fera que trois à quatre jours par semaine ».

« Des caméras avec enregistrement dans la zone d’abattage seront à la disposition permanente des services vétérinaires »

Pas de nouveau scandale en perspective dans les conditions d’abattage des animaux ? Philippe Nompeix est formel. « Nous souhaitons aussi maîtriser cet aspect des choses : nous sommes des éleveurs et voulons avoir des assurances sur les conditions de traitement de nos animaux. Nos équipements seront des plus modernes et nous irons plus loin en installant des caméras avec enregistrement dans la zone d’abattage. Les services vétérinaires pourront en avoir connaissance à tout moment ; j’ai d’ailleurs proposé à la préfecture que tous les abattoirs fassent de même. »


Label Bœuf de Gironde

La proportion d’utilisateurs se répartira entre 120 producteurs de bovins, en partie avec le label Bœuf Signature Gironde, et 30 d’ovins, avec notamment le label Agneau de Pauillac. En 2014, les 150 éleveurs avaient réalisé un chiffre d’affaires de 5,7 millions d’euros (en progression constante), avec 3 409 bovins commercialisés (dont 567 bœufs certifiés Signature Gironde) et 6 437 ovins (dont 1 661 agneaux de Pauillac). L’effectif du Groupement est de 45 salariés, parmi lesquels une trentaine de bouchers ; il était de six employés il y a 10 ans.

Créé en 1983, le Groupement des éleveurs girondins (GEG) est la seule coopérative de production à vocation exclusivement départementale. Le groupement commercialise ses produits par l’intermédiaire de ses propres boucheries. Il a noué aussi des partenariats avec plusieurs artisans bouchers locaux, qui ont eux aussi fait le choix de la qualité « Gironde » avec un bœuf élaboré à partir des races blonde d’Aquitaine, limousine et bazadaise. Ces bœufs de terroir sont élevés de façon traditionnelle, au pâturage et avec une alimentation à base de fourrages et de céréales.

L’abattoir de Bègles aura une surface de 1 400 mètres carrés sur un terrain de 6 200 mètres carrés. Son coût total, bâti plus terrain, sera de 3, 4 millions d’euros. L’accès sera direct depuis la rocade par l’échangeur 20.

 

De fragiles équilibres économiques

Le projet de construction d’un abattoir privé à Bègles a fait beaucoup parler dans le Bazadais, qui possède un abattoir récemment modernisé. Plusieurs élus étaient montés au créneau, notamment le maire de Bazas, Bernard Bosset, qui dénonçait l’octroi possible de subventions publiques à un abattoir privé : « Un scandale, disait-il, alors que notre abattoir atteint à peine le tonnage nécessaire à son équilibre économique. »

Pourquoi, alors, le Groupement des éleveurs girondins ne voulait-il pas faire abattre ses bêtes à Bazas ? « Cela fait des années que nous avons un projet d’entreprise d’abattoir privé. Les choses étaient engagées avant même la fermeture de Bordeaux ! Quand celle-ci est intervenue, nous sommes partis sur Bergerac car Bazas n’était pas encore modernisé. Lorsque l’abattoir a rouvert, nous avons fait l’objet d’un véritable acharnement incompréhensible », répondait, en 2013, Philippe Nompeix, le directeur du Groupement.

L’abattoir de Bordeaux, situé quai de Paludate, avait fermé ses portes fin 2011. Inauguré à la fin des années 1930, l’abattoir avait connu son apogée au début des années 60 alors qu’il traitait 35 000 à 40 000 tonnes de viande par an. Mais en 2011, l’abattoir avait atteint péniblement 2 000 tonnes, soit 20 fois moins qu’il y a cinquante ans alors que la population de l’agglomération avait explosé. Sa perte de vitesse s’est expliquée par la montée en puissance des grandes surfaces qui disposent de leurs propres chaînes d’abattage, et par l’absence d’un important bassin d’élevage. Dans une stricte logique économique, l’abattoir de Bordeaux aurait dû disparaître à la fin des années 1980. Du coup, des sommes publiques colossales ont été englouties durant un quart de siècle pour tenter de maintenir un outil voué à disparaître.

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